• Le Rossignol et l'Empereur de Chine (conte d'Andersen)

    Vous savez qu'en Chine l'empereur est un Chinois et tous ceux qui l'entourent sont Chinois. Il y a de longues années - et justement parce qu'il y a longtemps - je veux vous conter cette histoire, avant qu'on ne l'oublie.

    Le palais de l'empereur était le plus beau du monde, entièrement construit en fine porcelaine - il fallait même faire bien attention ...

    Dans le jardin poussaient des fleurs merveilleuses, aux plus belles d'entre elles on accrochait une clochette d'argent qui tintait à la moindre brise afin qu'on ne puisse passer devant elles sans les admirer. Oui, tout était étudié dans le jardin du roi et il était si vaste que le jardinier lui-même n'en connaissait pas la fin. Si l'on marchait très, très longtemps, on arrivait à une forêt avec des arbres superbes et des lacs profonds. Cette forêt descendait jusqu'à la mer bleue, les grands navires pouvaient s'avancer jusque sous les arbres et dans leurs branches vivait un rossignol dont le chant merveilleux charmait jusqu'au plus pauvre des pêcheurs. Quoiqu'ils eussent bien d'autres soucis, ils restaient silencieux à l'écouter et lorsque, la nuit, dans leur barque, ils relevaient leurs filets, ils s'écriaient : " Dieu que c'est beau !"; ensuite, ils devaient s'occuper de leurs affaires et ils n'y pensaient plus. Mais la nuit suivante, tandis que l'oiseau chantait et que les pêcheurs étaient à nouveau dehors, ils disaient encore : " Dieu que c'est beau !"

    De tous les pays du monde, les voyageurs venaient admirer la ville de l'empereur, le château, le jardin, mais quand on les menait entendre le rossignol, tous s'écriaien t: "Ça, c'est encore ce qu'il y a de mieux !"

    Les voyageurs, rentrés chez eux, en parlaient et les érudits écrivaient des livres sur la ville, le château et le jardin, sans oublier le rossignol qu'ils mettaient au-dessus de tout. Ceux qui savaient faire des vers composaient des poèmes exquis sur le rossignol, dans la forêt, près de la mer profonde.

    Ces livres faisaient le tour du monde et quelques-uns arrivèrent un jour jusque chez l'empereur de Chine. Assis sur son trône doré, il les lisait et les relisait et, de la tête, il approuvait les descriptions prestigieuses de la ville, du château, du jardin. " Mais le rossignol est tout de même ce qu'il y a de mieux", lisait-il.

    - Qu'est-ce que c'est que ça ? dit l'empereur, le rossignol ! je ne le connais même pas ! Y a t-il un oiseau pareil dans mon empire ? Et, par-dessus le marché, dans mon jardin ! Je n'en ai jamais entendu parler, et il faut que j'apprenne ça dans un livre !

    Il fit venir son chancelier d'honneur, un homme si distingué que si quelqu'un d'un rang inférieur à lui-même osait lui parler ou lui poser une question, il répondait seulement : " P.p.p." ce qui ne veut rien dire du tout.

    - Il paraît qu'il y a ici un oiseau extraordinaire qui s'appelle rossignol, lui dit l'empereur, on prétend que c'est ce qu'il y a de mieux dans mon empire ! Pourquoi ne m'en a-t-on jamais rien dit ?

    - Je n'en ai jamais entendu parler, répondit le chancelier, il n'a jamais été présenté à la cour !

    - Je veux qu'il vienne ici, ce soir, et chante pour moi. Toute la terre est au courant de ce que je possède, et moi non !

    - Je ne sais rien de lui, dit le chancelier, mais je le chercherai, je le trouverai.


    Mais où le trouver ? Le chancelier courut en haut et en bas des escaliers, à travers les salons, le long des couloirs, personne parmi ceux qu'il rencontrait n'avait entendu parler du rossignol. Alors il retourna auprès de l'empereur et suggéra qu'il s'agissait dans doute d'une fable inventée par les écrivains.

    - Votre Majesté ne doit pas y croire, ce ne sont que des inventions, ce qu'on appelle la magie noire!

    - Mais le livre où je l'ai lu m'a été envoyé par le puissant empereur du Japon, ça ne peut donc pas être faux. Je veux entendre le rossignol, il faut qu'il soit ici ce soir, je lui accorderai mes plus grandes faveurs ! Et, s'il ne vient pas, toute la cour sera bâtonnée sur le ventre après le repas du soir !

    - Tsing-Pe ! fit le chancelier, et il courut de nouveau en haut et en bas des escaliers, à travers les salons et le long des couloirs. La moitié de la cour le suivait, car ils préféraient évidemment ne pas être bâtonnés sur le ventre. Ils s'enquéraient tous du merveilleux rossignol, connu du monde entier, mais de personne à la cour.

    Enfin, ils trouvèrent dans la cuisine une petite fille pauvre :

    - Oh ! Dieu, dit-elle, le rossignol, je le connais, il chante si bien ! J'ai la permission d'apporter chaque soir à ma mère malade quelques restes de la table. Elle habite au bord de la mer, et quand je reviens, je suis fatiguée, je me repose dans la forêt et j'écoute le rossignol. Les larmes me viennent aux yeux, c'est doux comme un baiser de ma mère.

    - Petite fille de cuisine, dit le chancelier, tu auras un engagement et le droit de regarder l'empereur manger, si tu nous conduis auprès du rossignol, car il est convoqué pour ce soir.
    Alors, ils partirent vers la forêt où le rossignol avait l'habitude de chanter. La moitié de la cour était de la partie. Sur la route, une vache se mit à meugler.

    - Oh ! dit un des gentilshommes, nous le tenons cette fois. Quelle force extraordinaire dans une si petite bête. Je suis certain de l'avoir déjà entendu.

    - Non, ce sont seulement les vaches qui meuglent ! dit la petite, nous sommes encore loin !
    Les grenouilles coassaient dans le marais.

    - Ravissant, dit le chapelain chinois du palais, maintenant, je l'entends, on dirait des petites cloches d'église.

    - Non, ce sont seulement les crapauds, dit la petite fille, mais je crois que nous allons l'entendre bientôt.

    Soudain, le rossignol se mit à chanter.

    - C'est lui, écoutez, écoutez ... et voilà, dit la fillette, en montrant du doigt un petit oiseau gris dans le feuillage.

    - Pas possible ? dit le chancelier. Je ne me le serais jamais représenté ainsi. Comme il a l'air ordinaire, il a dû perdre ses couleurs de frayeur en voyant tant de hautes personnalités chez lui !

    - Petit rossignol ! cria très fort la petite fille, notre gracieux empereur voudrait que tu chantes pour lui.

    - Avec le plus grand plaisir, répondit le rossignol.

    Et il chanta, c'en était un délice.

    - C'est comme des clochettes de verre, dit le chancelier. Regardez-moi ce petit gosier, comme il travaille ! c'est extraordinaire que nous ne l'ayons jamais entendu, il aura un grand succès à la cour.

    - Dois-je chanter encore une fois pour mon empereur ? demandait le rossignol qui croyait que l'empereur était présent.

    - Mon excellent petit rossignol, lui dit le chancelier, j'ai le grand plaisir de vous inviter pour ce soir à une fête à la cour où vous charmerez Sa Majesté Impériale par votre chant.
    - Il fait bien meilleur effet dans la verdure, dit le rossignol.

    Mais il les suivit de bonne grâce puisque c'était le désir de l'empereur.

    On fit de grands préparatifs au château. Les murs et les parquets de porcelaine étincelaient à la lumière de plusieurs milliers de lampes d'or, les plus belles fleurs garnissaient les couloirs, on galopait au milieu des courants d'air et, tout d'un coup, les pendules se mirent à sonner, on ne s'entendait plus.

    Au milieu de la grande salle où était assis l'empereur, on avait installé un perchoir d'or sur lequel le rossignol devait se tenir. Toute la cour était présente et la petite fille avait eu la permission de rester derrière la porte car elle avait reçu le titre de vraie cuisinière. Tous portaient leurs habits de cérémonie et ils regardaient le petit oiseau gris auquel l'empereur souriait.

    Le rossignol chanta si merveilleusement que l'empereur en eut les larmes aux yeux, les pleurs coulaient même le long de ses joues. Alors, l'oiseau se surpassa, son chant allait droit au coeur. Le roi en était ravi, il voulait que le rossignol reçût la grande décoration de la pantoufle d'or pour la porter autour de son cou. Le petit oiseau remercia poliment, mais se trouvait déjà assez récompensé :

    - J'ai vu des larmes dans les yeux de mon empereur, c'est mon plus riche trésor, dit-il. Les larmes d'un empereur ont un inestimable pouvoir ..
    .
    Et il chanta encore une fois de sa douce voix.

    - C'est la plus charmante coquetterie que je connaisse ! disaient les dames, et elles prenaient de l'eau dans la bouche afin de faire des glouglous si quelqu'un leur parlait, elles croyaient ainsi être un peu rossignol. Même les laquais et les femmes de chambre déclarèrent qu'ils étaient contents, et ils sont bien les plus difficiles à satisfaire. Ah ! oui, le rossignol avait du succès ! Dorénavant, il resta à la cour, dans sa cage, avec permission de sortir deux fois le jour et une fois la nuit, mais douze domestiques devaient tenir chacun un fil de soie attaché à sa patte, et il n'y a aucun plaisir à se promener dans ces conditions.

    Toute la ville parlait de l'oiseau miraculeux. Quand deux personnes se rencontraient, l'une disait " ross" ... et l'autre " gnol" ... elles soupiraient et elles s'étaient comprises. Onze enfants de charcutiers portèrent même le nom de Rossignol, quoiqu'ils n'eussent point le plus petit filet de voix.

     Un jour, arriva à la cour un grand paquet sur lequel était écrit " rossignol".

    - Voilà un nouveau livre sur notre célèbre oiseau, pensa l'empereur; mais ce n'était pas un livre, c'était une petite oeuvre d'art : dans une boîte il y avait un rossignol mécanique qui aurait pu ressembler à l'autre, mais qui était incrusté sur tout le corps de diamants, de rubis et de saphirs. Dès que l'on remontait l'automate, il chantait comme l'oiseau véritable, sa queue battait la mesure et étincelait d'or et d'argent. Autour de son cou, il portait un petit ruban, sur lequel était écrit : " Le rossignol de l'empereur du Japon est peu de chose à côté de celui de l'empereur de Chine."

    - Charmant ! s'écrièrent-ils tous.

    Et celui qui avait apporté cet oiseau reçut aussitôt le titre de Grand livreur impérial de rossignols.

    Alors, on voulut faire chanter les deux oiseaux ensemble, mais ça n'allait pas très bien, le véritable rossignol roucoulait à sa façon et l'autre chantait des valses.

    - Ce n'est nullement de sa faute, affirmait le maître de musique, il a beaucoup de rythme et il est tout à fait de mon école.

    L'automate chanta donc seul. Il connut la gloire, d'autant plus qu'il était bien plus joli à regarder, il étincelait comme un bracelet ou une broche.

    Trente-trois fois il chanta le même air sans être fatigué - les gens l'auraient bien écouté encore, mais l'empereur estima que c'était à présent au tour du véritable rossignol. Où était-il donc passé ?

    Personne n'avait remarqué qu'il s'était envolé par la fenêtre ouverte, bien loin, vers sa verte forêt. - Qu'est-ce que c'est que ça ? dit l'empereur, et tous les courtisans unanimes blâmèrent le rossignol et le jugèrent extrêmement ingrat.

    " Le plus bel oiseau nous reste», pensait chacun ... et l'automate chanta encore.

    A la trente-quatrième fois, les courtisans ne savaient pas encore tout à fait l'air par coeur, car il était très difficile. Cependant, le maître de musique vantait l'automate, affirmant qu'il était bien supérieur au véritable oiseau, non seulement par sa robe et les merveilleux diamants, mais aussi par sa mécanique intérieure.

    - Voyez-vous, messeigneurs, et en tout premier lieu notre grand empereur, avec le vrai rossignol on ne sait jamais d'avance ce qui va venir, tandis qu'avec l'autre tout est prévu. C'est comme ça et pas autrement. On peut expliquer comment il est fait, l'ouvrir, montrer la conception du fabricant, où sont les valses, comment elles se déroulent et comment l'une suit l'autre.

    " C'est tout à fait ce que je pense", disait chacun des courtisans. Le maître de musique eut même la permission de montrer l'oiseau le dimanche suivant, au peuple, car l'empereur désirait que tous l'entendent.

    Le peuple l'entendit. Il y trouva autant de plaisir qu'à s'enivrer de thé - ce qui est très chinois -, il approuvait de la tête en levant en l'air le doigt qui s'appelle " licheur de pot". Cependant, les pauvres pêcheurs qui avaient l'habitude d'entendre leur petit oiseau de la forêt disaient : "C'est joli, ça ressemble ... mais il y manque je ne sais quoi !"
    Le vrai rossignol fut banni du pays et de l'empire.

    Maintenant, l'oiseau mécanique trônait sur un coussin près du lit impérial ; tous les cadeaux qu'il avait reçus, or et pierreries étaient rangés tout autour de lui, et il avait le titre de "Grand Chanteur de la table de nuit impériale n°1, du côté gauche", car l'empereur considérait le côté gauche comme le plus important, le coeur étant à gauche, même chez un empereur.

    Le maître de musique écrivit vingt-cinq volumes sur l'oiseau mécanique, si érudits et si longs, en employant les mots chinois les plus terriblement difficiles et les gens affirmaient les avoir lus et les avoir compris, autrement ils seraient passés pour stupides et auraient reçu la bastonnade sur le ventre.

    Un an passa. L'empereur, la cour et tous les Chinois savaient par coeur chaque son sorti de la gorge du petit animal, mais ils n'en étaient que plus satisfaits, ils pouvaient chanter avec lui. Les gamins sifflaient : zizizi, kluklukkluk ! et l'empereur aussi. C'était vraiment charmant.

    Mais un soir... l'automate chantait, l'empereur était couché dans son lit et l'écoutait. Tout à coup, à l'intérieur de l'oiseau, il se fit un " couac", quelque chose sauta " brrr", toutes les roues tournèrent un instant... et la musique s'arrêta ! L'empereur sauta du lit, fit appeler son médecin, mais qu'y pouvait-il ? Alors, on fit venir l'horloger et, après bien des paroles et des examens sans fin, il réussit à réparer tant bien que mal la mécanique, mais il prévint qu'il fallait beaucoup la ménager car les pivots étaient très usés et il n'était pas capable de les remplacer. Quelle déception! L'oiseau mécanique ne chanta plus qu'une fois par an et encore ... Mais le maître de musique fit un petit discours plein de mots très difficiles pour expliquer que c'était aussi bien ainsi... alors c'était aussi bien ainsi.

    Cinq ans passèrent et tout le pays eut un grand chagrin - au fond, chacun aimait l'empereur - et maintenant il était très malade, au point de ne pas survivre, disait-on.

    Un nouvel empereur était déjà élu que les gens descendaient encore dans la rue pour demander au chancelier comment allait leur cher empereur.

    - P.p.p., faisait-il en hochant la tête.

    Blême et glacé, l'empereur gisait dans son grand lit magnifique et toute la cour, le croyant mort, s'empressait de saluer son successeur. Les serviteurs couraient au-dehors commenter l'événement; les femmes de chambre donnaient une réception et offraient le café. Dans les salons et les couloirs, des tapis amortissaient le bruit des pas ; partout régnait le silence ... le silence.

    Cependant, l'empereur n'était pas encore mort ; immobile, pâle, il était couché dans son lit aux grands rideaux de velours, aux lourds glands d'or. Tout en haut, une fenêtre était ouverte et la lune éclairait le malade et l'oiseau mécanique.

    Le pauvre monarque ne pouvait presque plus respirer, il lui semblait avoir un poids énorme sur la poitrine ; il ouvrit les yeux et vit que c'était la Mort qui était assise, là. Elle avait mis sa grande couronne d'or et tenait d'une main son sabre d'or, de l'autre son splendide drapeau. Tout autour d'elle, dans les plis des grands rideaux de velours, des têtes étranges perçaient : les unes hideuses, les autres gracieuses et aimables. C'étaient les mauvaises et les bonnes actions de l'empereur qui le regardaient maintenant que la Mort était assise sur son coeur.

    - Te souviens-tu de cela ? murmuraient-elles. Te souviens-tu de ceci, encore ?

    Et elles lui racontaient tant de choses que la sueur lui perlait sur le front.

    - Je n'ai jamais rien su de tout cela, cria l'empereur. Musique ! Musique, secouez le grand chapeau chinois, que je n'entende plus ce qu'elles disent !

    Mais elles continuaient et la Mort hochait la tête comme un Chinois.

    - Musique, musique ! cria encore l'empereur. Petit oiseau précieux, chante ! chante ! Je t'ai donné de l'or et des bijoux, et j'ai moi-même passé à ton cou ma pantoufle d'or, chante ! chante

    Mais l'oiseau restait silencieux, personne n'était là pour le remonter et donc il ne pouvait chanter. La Mort regardait le moribond de ses grandes prunelles vides et tout était silencieux, si effroyablement silencieux. Alors, s'éleva soudain près de la fenêtre un chant doux et délicieux, c'était le petit rossignol vivant, assis dans la verdure, au-dehors. Il avait entendu parler de la détresse de son empereur et il venait lui chanter consolation et espoir.

    Tandis que son gazouillis s'élevait, les sinistres apparitions s'estompaient, le sang circulait de plus en plus vite dans les membres affaiblis du mourant et la Mort, elle- même, écoutait et disait : "Continue, petit rossignol, continue!"

    - Oui, mais donne-moi ce beau sabre d'or, donne-moi ce riche drapeau, donne-moi la couronne de l'empereur.

    Et la Mort donna chaque joyau pour un chant. Alors, le rossignol continua de chanter. Il chanta le cimetière paisible où poussent les roses blanches, où le sureau embaume, où l'herbe fraîche est arrosée par les larmes des survivants. La Mort eut la nostalgie de son jardin et se dissipa comme un froid brouillard blanc par la fenêtre.

    - Merci, merci, dit l'empereur, petit oiseau du ciel, je te reconnais. Je t'ai chassé de mon pays, de mon empire et, cependant, tu as repoussé de mon lit mes péchés et la Mort de mon coeur ! Comment te récompenser ?

    - Tu m'as déjà récompensé, dit l'oiseau. J'ai vu des larmes dans tes yeux la première fois que j'ai chanté pour toi, et ça je ne l'oublierai jamais. Elles sont le vrai bijou pour le coeur d'un chanteur. Mais dors maintenant, pour redevenir sain et fort ! Je vais chanter pour toi.
    Et il chanta, et l'empereur s'endormit d'un bon sommeil réparateur.

    Le soleil brillait dans sa chambre, lorsqu'il s'éveilla, guéri. Aucun de ses serviteurs n'était auprès de lui, mais le rossignol chantait encore.

    - Reste toujours auprès de moi ! dit l'empereur. Tu ne chanteras que lorsque tu en auras envie et je briserai l'oiseau mécanique en mille morceaux.

    - Non, dit le rossignol, il a fait tout ce qu'il pouvait. Garde-le toujours. Je ne peux pas, moi, bâtir mon nid et vivre dans le château, mais permets-moi de venir quand cela te plaira. Le soir, je serai là sur une branche et je chanterai pour toi afin que tu sois joyeux et pensif à la fois. Je chanterai ceux qui sont heureux et ceux qui souffrent, le bien et le mal qui sont autour de toi et qu'on te cache. Le petit oiseau chanteur peut voler au loin, près des pauvres pêcheurs, sur le toit des paysans, chez tous ceux qui sont loin de toi et de ta cour. J'aime ton coeur plus que ta couronne, et pourtant, une couronne a comme un parfum sacré autour d'elle. Je viendrai chanter pour toi, mais il faut me promettre une chose ...

    - Tout ce que tu voudras, dit l'empereur.

    Il était debout dans son costume impérial qu'il avait lui-même revêtu, et tenait contre son coeur le sabre alourdi par l'or.

    - Je te demande de ne révéler à personne que tu as un petit oiseau qui te dit tout. Alors, tout ira mieux. Et il s'envola.

    Les serviteurs entraient pour voir leur empereur mort. Ils étaient là, debout devant lui, étonnés.

    Et lui leur dit, simplement : " Bonjour !".

    Hans Christian Andersen


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  • Le cerf craint le loup, le loup craint le tigre, et le tigre craint le grand ours, le plus féroce des animaux. Le crâne revouvert de longs poils semblables à une tignasse, marchant debout sur ses pattes de derrière, il est extraordinairement fort et s'attaque même à l'homme.

    Au sud de l'Etat de Chu vivait un chasseur qui, sur sa flûte de bambou, arrivait à imiter toutes sortes de cris d'animaux. Muni d'un arc et d'un petit pot de grès au fond duquel couvaient quelques braises, il se rendait dans la montagne et imitait l'appel du cerf. Croyant retrouver un de leurs frères, des cerfs arrivaient et le chasseur les tuait avec des flèches enflammées.

    Un jour, en l'entendant imiter le cri du cerf, un loup accourut. Le chasseur pris de frayeur lança un rugissement de tigre. Le loup s'enfuit, mais un tigre parut. Terrifié, l'homme imita le grognement du grand ours. Le tigre s'en fut, mais croyant rencontrer un de ses semblables, un ours énorme se présenta. Ne trouvant qu'un homme, il se jeta sur lui, le mit en pièces et le mangea.

    Aujourd'hui encore, ceux qui se servent d'artifices au lieu de compter sur leurs propres forces finissent toujours par s'attirer un destin semblable à celui du chasseur.


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  • Le roi des singes - Voyage en Occident

    Voici l'histoire de cette légende chinoise en version abrégée, une présentation de l'auteur Wu Cheng'en et les influences du livre Voyage en Occident dans le monde.

    Première partie

    Il y a longtemps, en haut de le Montagne aux Mille Fleurs, il y avait un rocher magique, qui se cassa un jour et donna naissance à un oeuf de pierre. Et de l'oeuf sortit le Singe de Pierre, qui alla vivre avec les autres singes.

    Un jour, les singes trouvèrent une cascade, et aucun d'entre eux n'eut le courage de passer derrière pour explorer, sauf le Singe de Pierre. Et il y trouva un pays merveilleux. Les singes vinrent y vivre et nommèrent le Singe de Pierre roi des singes, par reconnaissance. mais un jour, il s'inquiéta de la mort, et décida de partir en quête de l'immortalité.

    Il voyagea pendant dix ans, et finit par arriver en radeau sur un rivage où vivait un sage qui connaissait le secret de l'immortalité, et il se fit accepter comme disciple du patriarche Sudobhi, qui lui donna le nom de Sun Wu-k'ung, le singe qui comprend la vacuité. Grâce à sa très grande intelligence, il apprit rapidement les secrets de Sudobhi, les soixante-douze transformations, et comment voler dans les airs sur les nuages, et enfin le secret de l'immortalité. Mais le singe se vantait de son savoir auprès des autres disciples, et un jour Sudobhi le chassa et lui interdit de faire savoir qu'il était son disciple.

    Le singe s'en moquait bien. Il rentra chez lui sur un nuage et fit savoir à son peuple qu'il avait réussi. Puis il se rendit compte qu'il commençait à devenir vraiment puissant et commença à se préparer à la guerre, au cas où. Il alla voler des armes, mais si son peuple apprit à s'en servir, aucune ne lui convenait. Il décida d'aller prendre une arme magique au dragon qui vivait au fond du lac, et prit d'autorité un baton magique qui avait servi à niveler le fond de la mer et changeait de taille a volonté, et une armure complète. Le roi des dragons fut furieux et envoya une plainte au ciel.

    Sun Wu-k'ung devint ami avec les chefs des démons et ils firent serment de fraternité. Mais un jour, il se réveilla dans le royaume de la mort. Il se plaint, disant qu'il était immortel et qu'il ne devrait pas être là. Comme on refusait de le laisser repartir en prétextant qu'on avait du confondre avec quelqu'un qui portait le même nom et qu'il fallait attendre le Roi de la Mort, il menaça les bureaucrates du royaume des morts et les força à le rayer de la liste des morts ainsi que tous ceux qui avaient un nom qui lui ressemblait, puis il retourna sur terre.

    Le dirigeant du Ciel, l'empereur de Jade, reçut un jour les plaintes du roi des dragons et du roi de la mort concernant le roi des Singes, et il se facha. Mais l'un de ses serviteurs, l'Astre de la longévité, lui proposa plutôt de donner au roi des singes un poste mineur au ciel, afin de le calmer, de l'occuper et d'éviter une guerre. C'est ainsi que Sun Wu-k'ung reçut et accepta le titre de palefrenier céleste, qu'il pensait être très honorifique. Mais un jour, il apprit comme ce poste était bas et se révolta contre l'empereur de Jade. Et il demanda le titre de Grand Sage, l'Égal du Ciel.

    L'empereur de jade, vraiment furieux cette fois, envoya contre lui le Céleste roi Li et son fils Natha. Et Li envoya son général, l'Esprit des Eclaircissements, mais le singe le vainquit sans peine, lui et toute son armée. Puis Natha y alla en personne, mais le singe le vainquit lui aussi, grâce à son bâton et à ses pouvoirs de transformation.

    Ce fut encore l'Astre de la Longévité qui proposa un arrangement à l'amiable, c'est à dire créer un titre officiel de Grand Sage, Égal du Ciel, sans salaire mais sans obligations, pour faire plaisir au singe. Ce qui fut fait. Sun Wu-k'ung était très fier. Pour qu'il ne s'ennuie pas, on lui proposa de s'occuper des pêches de l'empereur de Jade, mais il les mangeait en cachette.

    Un jour, la reine du Ciel voulut organiser un banquet de pêches, mais elle n'invita pas Sun Wu-k'ung. Il l'apprit alors qu'on venait chercher les pêches dans le verger et se mit en colère. Alors il entra en plein milieu du banquet sous une fausse identité, but une grande partie du vin et vola le reste, et, ivre, se goinfra d'elixir d'immortalité. Puis il se rendit compte de ce qu'il avait fait et que l'empereur de jade n'allait pas jtre content... Alors il rentra chez lui.

    Cette fois-ci c'était la guerre, et les armées de l'empereur de Jade se battirent contre une horde de guerriers que le singe avait créés par magie, mais ne purent rien contre Sun Wu-k'ung lui-même. Alors Kuan-yin, déesse de la compassion, suggéra d'aller chercher Erh-lang le dieu de la vérité, pour combattre le roi des singes en combat singulier. Ehr-Lang était lui aussi maître des transformations, et il réussit à capturer le singe avec l'aide de Li, Natha, Kuan-yin, et du patriarche de la Voie.

    Ils essayhrent de sissoudre le singe dans un four, mais comme il avait appris l'immortalité, rayé son nom de la lliste des morts et bu l'elixir d'immortalité, cela ne lui faisait pas grand-chose... Quand ils ouvrirent la porte, le croyant mort, il s'enfuit à nouveau, et cette fois-ci, Ehr-lang ne put le rattraper. Il fallut aller chercher Bouddha lui-même, qui emprisonna Sun Wu-k'ung sous la montagne des cinq éléments...

    Deuxième partie

    Plusieurs centaines d'années plus tard, Bouddha s'inquiéta pour les hommes. Il avait dans son palais en Inde des rouleaux contenant des prières pour améliorer la vie des humains, et il demanda à Kuan-yin de trouver un moine pieux qui accepterait de faire le pêlerinage pour aller les chercher.

    En chemin, Kuan-yin rencontra un monstre qui mangeait les humains dans les rivières, puis un cochon qui les attaquait avec son râteau, puis un dragon. À chacun elle promit le pardon s'ils aidaient le moine dans son pèlerinage et le défendaient contre les dangers. Elle nomma le monstre Sableux, le cochon Petit Cochon, et elle transforma le dragon en cheval pour transporter le moine. Puis elle arriva près da la montagne ou Sun Wu-k'ung était enfermé, et lui promit le pardon à lui aussi s'il accompagnait le moine.

    Elle trouva un moine qui était le plus doux et le plus pieux qu'on puisse imaginer, et qui accepta sans hésiter d'aller chercher les écrits. Elle le nomma Tripitaka, qui était le nom des rouleaux qu'il devait rapporter. Il délivra le singe de sa montagne, et la première réaction de Sun Wu-k'ung fut de lui fausser compagnie, mais Kuan-yin avait donné à Tripitaka un charme qui lui permit de se faire obéir.

    En chemin, ils arrivèrent près d'une montagne où vivaient des démons qui s'étaient promis de capturer Tripitaka pour le manger. Ils envoyèrent Petit Cochon en éclaireur. la première fois, il alla dormir et fit semblant de n'avoir rien vu, mais Sun Wu-k'ung s'en rendit compte. la deuxième fois, il y alla vraiment, et combattit Corne d'Argent, un des deux démons, avec son râteau. Ils étaient de force égale, mais Corne d'Argent appela à la rescousse beaucoup de petits démons qui firent Petit Cochon prisonnier.

    Ne voyant pas Petit Cochon revenir, les autres continuèrent leur route, mais le démon Corne d'Argent réussit à se débarasser momentanément du roi des singes en l'ensevelissant sous trois montagnes, et il en profita pour capturer Tripitaka, Sableux et le cheval.

    Deux petits démons furent envoyés avec une gourde et une bouteille magique : on pouvait y enfermer des gens et ils se dissolvaient. Ils avaient pour mission d'éliminer Sun Wu-k'ung, mais ce dernier leur vola les deux objets par la ruse et prit leur apparence pour entrer chez les démons. Ils étaient justement en train de se dire que pour attraper le singe ils auraient besoin de la corde d'or qu'avait leur mère, c'est pourquoi tout en l'invitant à venir manger de la chair de Tripitaka, ils lui demandèrent d'amener sa corde.

    Sun Wu-k'ung s'y rendit à la place des messagers et transmit l'invitation, mais profita du voyage pour se débarasser de la vieille mère des démons, lui prendre la corde et emprunter son apparence. Mais Petit Cochon le reconnut à sa queue, qu'il ne pouvait cacher, quand il entra dans la pièce, et ne put tenir sa langue. Sun fut reconnu et pris, et on lui reprit les trois trésors qu'il avait volés aux démons, la bouteille, la gourde et la corde d'or.

    Les démons réussirent même à l'enfermer dans la gourde. Mais grâca à ses transformations, il put leur faire croire qu'il était complètement dissous alors qu'en fait non, et il s'échappa ainsi. Puis il vola la gourde et y emprisonna lui-même Corne d'Argent. Il réussit aussi à reprendre la bouteille et la corde, et à voler l'éventail magique. Il ne restait à l'autre démon, Corne d'Or, que l'épée aux sept étoiles, mais il s'enfuit avec et commença à lever une armée de démons pour lutter contre le singe. Pendant ce temps, ce dernier libérait ses compagnons de route.

    L'armée arriva bientôt, et Sun Wu-k'ung réussit à la vaincre et à emprisonner Corne d'Or dans la bouteille. Il avait maintenant les cinq trésors, mais c'est à ce moment que le Patriarche de la Voie arriva et lui demanda de les lui rendre.

    Tripitaka, Sableux, Sun, Petit Cochon et le cheval continuaient leur route quand leur chemin fut barré par une montagne de feu. On leur dit que seul un éventail magique qui appartenait à un dieu pouvait éteindre ce feu, c'est pourquoi les habitants devaient adresse moult prières au dieu pour qu'il consente de temps en temps à éteindre la montagne pour que des plantes puissent pousser.

    Sun demanda à Yaksha, la propriétaire de l'éventail, de le lui prêter, mais il avait jadis tué son fils et elle était très en colère contre lui. Ils se battirent, et à l'aide de l'éventail elles le projeta à plusieurs milliers de lieues. Mais il revint monté sur un nuage. Effrayée, elle lui laissa l'éventail.

    Mais c'était en fait un faux qu'elle lui avait laissé, qui n'éteignit rien du tout. Sun Wu-k'ung se rendit alors chez Bison Puisant, le mari de Yaksha, pour voir ce qu'il pouvait faire. Ils se battirent mais aucun des deux ne pris l'avantage. C'est alors que Bison Puissant reçut l'invitation d'un roi dragon à manger, et il proposa à Sun de reprendre plus tard.

    Le roi des singes accepta, mais aussitôt après, il vola le cheval de Bison Puissant qu'il avait laissé devant le palais, prit sa forme, se rendit chez Yaksha et en profita pour lui voler le vrai éventail, cette fois-ci.

    Il pouvait maintenant passer, mais les démons n'étaient pas contents. Bison Puissant se transforma en Petit Cochon et en profita pour reprendre l'éventail. Puis ils se battirent pendant longtemps, Bison Puissant contre le roi des singes et Yaksha contre Petit Cochon, mais ils étaient de force égale et personne ne gagna. C'est alors que le Céleste roi Li et son fils natha arrivèrent : ils avaient été envoyés pour aider Tripitaka. Ils reprirent l'éventail et emproisonnèrent les démons.

    Les pèlerins purent passer et atteinrent le Paradis Occidental qui était maintenant tout proche, escortés par Li et Natha. Là, les disciples du Bouddha leurs donnhrent les paniers d'écrits qui devaient sauver les humains, et ils rentrèrent chez eux...

    L'auteur Wu Cheng'en

    吳承恩 Wu Cheng'en (1500 ?-1582 ?) est un écrivain chinois de la dynastie des Ming. Né à Huai'an, dans la province actuelle du Jiangsu, il étudia à la Nanjing Taixue (l'ancienne Université de Nankin) pendant plus de dix ans.

    Il est l'auteur du roman Le Voyage en Occident ou Xiyouji  西遊記, qui est considéré comme l'un des quatre grands romans de la littérature classique chinoise.

    Le roman fut publié pour la première fois à la fin du XVIe siècle. Comme de coutume, le nom de l'auteur n'était pas mentionné, et les différents éditeurs pouvaient modifier le contenu ou la longueur de l'ouvrage. L'identité de son auteur fut donc longtemps ignorée. Au Japon fut publiée au début du XVIIIe siècle la première traduction en langue étrangère, d'après une version commentée de la fin des Ming intitulée : Critique du Xiyouji par M Li Zhuowu 李卓吾 ; le Voyage y fut donc publié dans un premier temps sous le nom du commentateur. En Chine, le premier à proposer un auteur fut Wang Jiaxu 汪象旭 des Qing dans son Voyage en Occident à la recherche des preuves de la Voie 西遊証道書 ; il y attribuait la paternité du Voyage à Qiu Chuji de la fin des Song. Cette opinion fut reprise par les autres lettrés, jusqu'à la fin de l'ère mandchoue où l'on commença à remarquer que le texte mentionnait des coutumes datant des Ming, et que certaines parties étaient rédigées en dialecte de Huai'an 淮安, province du Jiangsu.

    L'hypothèse Wu Cheng'en fut publiée pour la première fois par Lu Xun et Hu Shi 胡適. On avait en effet découvert dans les annales officielles de la préfecture de Huai'an 淮安府志 la mention d'un Xiyouji composé par ce lettré. Cette attribution resta néanmoins longtemps contestée par une partie des spécialistes. En effet, le titre Xiyouji avait déjà été utilisé pour d’autres ouvrages, et les annales officielles ne mentionnent en principe pas les œuvres de fiction. De plus, le catalogue d'un collectionneur de la dynastie Qing, Huang Yuji 黄虞稷, le mentionne comme ouvrage géographique. Les écrits de Wu Cheng'en qui nous sont parvenus ainsi que ceux des lettrés avec qui il était en relation ne font nullement référence au roman. Néanmoins, aucun autre candidat plausible n'a pu être proposé, et bien qu'il n'existe pas de preuve positive, le profil de Wu Cheng'en correspond tout à fait à celui qu’on prête à l'auteur, comme l'ont encore montré dans les années 90 Liu Xiaoye 劉脩業 et Yan Jingchang 顏景常.

    Avant et après Le Voyage

    Ce roman est, de l’opinion unanime des spécialistes, le plus réussi de l’abondante littérature fantastique de l’époque Ming. Le thème des pérégrinations de Xuanzang semble avoir été traité dès les Tang ; il en reste les Ballades de la recherche des soutras  取經詩話 (Qujingshihua) des Song et les Scènettes du voyage en Occident 西遊記雜剧 (Xiyoujizaju) des Yuan. Cette littérature s'appuie sur deux récits de disciples de Xuanzang : Bianji 辯機 composa avec - ou à la place de - son maitre le Rapport sur les régions occidentales à l’époque des Tang  大唐西域記 (Datangxiyuji) sur ordre de l'empereur Taizong des Tang ; Huili 慧立 et Yancong 彦悰 écrivirent l’Histoire du Maitre Sanzang du temple de la Grande Compassion 大慈恩寺三藏法師傳 (Daciensisanzangfashizhuan) qui contient déjà des aventures fantastiques. A Dunhuang, on peut voir des illustrations du récit datant du début des Xixia où apparait déjà la figure du singe avec un bâton. Les trois compagnons du bonze et l'origine de Sun Wukong sont mentionnés dans le théâtre Yuan. Le texte de deux chapitres est présent à peu de chose près dans des ouvrages antérieurs au roman, un recueil coréen de littérature chinoise (chap.46) et le Grand recueil de littérature de Yongle - Yongledadian 永樂大典 (chap.10).

    Sous les Ming, avant le roman de Wu Cheng’en, il y eut Les quatre voyages 四遊記 (Siyouji ), un ensemble de quatre récits :

    • la Légende des huit immortels de la grotte d’en haut 上洞八仙傳 (Shangdongbaxianzhuan) de Wu Yuantai 吴元泰, parfois appelé Voyage en Orient  東遊記 (Dongyouji).
    • Le Voyage dans le Sud 南遊記 (Nanyouji) et le Voyage dans le Nord 北遊記 (Beiyouji) de Yu Xiangdou 余象鬥, dont les héros sont deux divinités taoïstes.
    • Le Voyage en Occident 西遊記 (Xiyouji) de Yang Zhehe 楊志和, sur le même thème que le célèbre roman, mais moins réussi.

    Le roman n'aurait comporté au départ que 41 chapitres, une soixantaine de plus auraient été écrits ultérieurement en s’inspirant en partie du Voyage dans le Sud.

    Le Voyage en Occident connut deux suites, Xuxiyouji 續西遊記 et Houxiyouji 後西遊記, et inspira de nombreux romans : Complément au Voyage en Occident 西遊補 (Xiyoubu) , de Dong Shuo 董說, version satirique anti-mandchou, deux Nouveau Xiyouji, 新西遊記 (Xiyouxinji) de Chen Jing 陳景 et 西遊新記 (Xiyouxinji) de Tong Enzheng 童恩正, ainsi que Aussi un voyage en Occident 也是西遊 (Yeshixiyou). Déjà populaire comme titre de roman sous les Ming, le terme youji est librement repris pour nommer des récits de voyage, tels qu’on peut en trouver sur des sites personnels, par exemple. Le récit du voyage de Marco Polo est connu comme le Voyage en Orient de Marco Polo 馬可波羅東遊記 d’après la traduction du film américain de 1938 qui l’a popularisé en Chine.




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  • L’Empereur Céleste avait sept filles intelligentes et habiles. La plus jeune était la plus gentille et la plus travailleuse. Experte en tissage, on l’appelait la Tisserande.

    Un jour, pour se reposer de leur travail, elle et ses soeurs descendirent sur terre pour se baigner dans une rivière limpide. Près de la rivière vivait un jeune orphelin qui faisait paître les boeufs dans la vallée et vivait avec son frêre aîné et sa belle soeur. Tout le monde l’appelait le bouvier. Il avait alors plus de 20 ans, n’avait pas encore pris femme et travaillait tous les jours du matin au soir.

    Sa solitude et sa peine lui avait attiré la sympathie d’un vieux buffle qui vivait jour et nuit avec lui. Ce vieux buffle pouvait comprendre ses paroles et le bouvier les siennes. Au cours des ans, ils étaient devenus de fidèles compagnons partageant ensemble joies et peines.

    Ce jour-là, après avoir labouré un lopin de terre, le bouvier mena le buffle au bord de la rivière pour l’abreuver. C’est alors qu’il vit les sept soeurs se baigner dans la rivière et s’ébattre joyeusement dans l’eau. Toutes étaient très belles, surtout la plus jeune. Comprenant l’émoi du jeune homme, le Buffle lui dit à l’oreille :

    - Va prendre les habits qui se trouvent près du saule, et celle que tu aimes deviendra ta femme.

    Le bouvier fit deux pas en avant, puis hésita, intimidé.

    - Dépêche-toi ! Vous ferez un très beau couple !

    Le bouvier s’élança finalement, prit les vêtements de la jeune fille près du saule et fit demi-tour. Surprises par l’apparition de cet inconnu, les jeunes filles se rhabillèrent en hâte et s’envolèrent dans le ciel. Seule resta dans l’eau la jeune Tisserande. Le bouvier lui ayant pris ses habits, elle ne pouvait pas sortir et attendait avec impatience, les joues écarlates.

    - Bouvier, rends-moi mes habits ! Supplia la Tisserande.

    - D’accord, si tu acceptes de devenir ma femme ! Répondit le jeune homme en la regardant amoureusement.

    Malgré l’agacement qu’elle éprouvait face à ce jeune homme insolent, l’air sincère et honnête et le regard sentimental du bouvier lui allèrent droit au coeur. Elle hôcha la tête sans mot dire.

    Dès lors, le bouvier et la Tisserande devinrent un couple inséparable. L’homme labourait et la femme tissait.

    Le temps passa. Quelques années après, le bouvier et la Tisserande avaient un garçon et une fille. Mais la nouvelle de la vie terrestre de sa fille parvint aux oreilles de l’Empereur Céleste. Furieux qu’on eût ainsi violé la loi céleste, il envoya aussitôt un génie chercher la Tisserande pour la ramener au Ciel. Contrainte de se séparer de son mari et de ses enfants, la Tisserande pleura de douleur.

    Tandis que la Tisserande était escortées jusqu’au Palais céleste, le bouvier ne se consolait pas de la perte de sa femme aimée et les enfants pleuraient après leur mère. Portant ses enfants dans deux paniers au bout d’une palanche, il partit à sa recherche. Il allait la rejoindre quand la femme de l’Empereur Céleste apparut et s’ingéra dans l’affaire. Elle agita la main, et une rivière large et profonde aux eaux tumultueuses brisa l’avance du bouvier.

    Ainsi, des deux côtés de la Voie Lactée, le bouvier et la Tisserande se regardèrent de loin, sans pouvoir se réunir. Très affligé, le bouvier ne voulut pas quitter le bord de la rivière. De l’autre côté, la Tisserande regardait les vagues impétueuses les larmes aux yeux, refusant de tisser les brocarts célestes.

    Devant leur résistance, l’Empereur Céleste dut faire des concessions et leur permit de se retrouver une fois par an. Depuis, chaque année, le septième jour du septième mois du calendrier lunaire, les pies célestes forment une passerelle provisoire sur laquelle le bouvier et ses enfants rencontrent la Tisserande.

    La tristesse de leur séparation émut tout le monde et attira la sympathie de chacun. Dans l’Antiquité, chaque année, le soir du septième jour du septième mois du calendrier lunaire, beaucoup de gens restaient à veiller dehors, contemplant longuement le ciel et les deux constellations de chaque côté de la Voie Lactée, le Bouvier et la Tisserande. Saisis de pitié, ils attendaient leur rencontre. A côté du bouvier scintillent deux petites étoiles ; on dit que ce sont ses enfants qui viennent voir leur mère.


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  • Le pont construit par des pies sur la Voie lactée

    L’histoire du pont construit par des pies sur la Voie lactée et permettant au bouvier et à la tisserande de se rencontrer le septième jour de la septième lune est un conte populaire qui est souvent raconté aux enfants par leurs grands-mères.

    Le bouvier était orphelin, et depuis son enfance, il menait une vie pénible avec son frère et sa méchante belle-sœur. Après avoir épuisé les biens familiaux, le jeune bouvier vivait de son travail en s’appuyant sur son précieux bœuf. On disait que ce bœuf était un Immortel venu du Ciel. Ayant commis un crime, cet Immortel aurait été condamné à s’incarner dans le corps d’un bœuf et à travailler péniblement avec un paysan. En remerciement pour ses actions, le bouvier lui témoignait beaucoup de sympathie. Le bœuf-divinité aurait donc décidé d’aider son maître à créer une famille heureuse.

    Une nuit, le bœuf apparut en rêve au bouvier, et il lui demanda d’aller, le lendemain, rencontrer la tisserande qui serait en train de se laver dans la Voie lactée. Le lendemain, les belles fées se baignaient en effet dans la Voie lactée. Le bouvier, caché dans les roseaux, s’empara des vêtements que la tisserande avait laissés sur la rive. Prises de panique, les autres fées se rhabillèrent et s’envolèrent, laissant toute seule la tisserande qui finit par accepter la demande du bouvier. Dès lors, la tisserande mena une vie heureuse avec le bouvier ; l’homme labourait la terre et la femme tissait. Ils eurent deux enfants, un garçon et une fille, un an plus tard.

    Avant de mourir, le vieux bœuf demanda au bouvier de garder sa peau qui pourrait lui être utile. Le couple enleva donc à contre-cœur la peau de l’animal mort et enterra sa carcasse sur un versant de la montagne. En apprenant le mariage de la tisserande avec le bouvier, l’empereur de Jade et la déesse furent tellement fâchés qu’ils ordonnèrent aux gardiens célestes de reprendre la tisserande. Profitant de l’absence du bouvier, les gardiens célestes emportèrent la tisserande. Ne voyant plus sa femme, le bouvier mit la peau du bœuf sur ses épaules, porta à la palanche ses deux enfants et se mit à la poursuite des gardiens. Au moment où le bouvier risquait de les rattraper, la déesse tira de sa chevelure une épingle d’or et fit un geste vers la Voie lactée qui, de peu profonde et limpide, devint immédiatement houleuse. Dès lors, le bouvier et la tisserande ne purent que se regarder de part et d’autre du cours d’eau, les larmes aux yeux. Émus par leur amour sincère, l’empereur de Jade et la déesse leur permirent de se rencontrer chaque année le septième jour du septième mois lunaire. Ce jour-là, les pies s’envolèrent vers le ciel et formèrent un pont enjambant la Voie lactée pour que le bouvier et la tisserande se rencontrent. La nuit, on peut entendre les murmures de ces deux amoureux sous une treille.

    À l’époque des Han (206 av.J.-C.-220 apr. J.-C.), des briques sculptées montrent la constellation de l’étoile Véga de la Lyre séparée de l’étoile du Bouvier par la Voie lactée. À l’époque des Song (960-1279), on disait que les pies avaient perdu leur plumage le septième jour de la septième lune parce qu’elles avaient accompli un travail exténuant en construisant un pont. Après son adaptation pour le théâtre, ce conte s’est transmis par la littérature et par des œuvres d’art. Le pont construit par les pies (Queqiao) est devenu le thème illustrant de jeunes amoureux qui se rendent à un rendez-vous. La fête de la Qixi est aussi baptisée sous différents noms par les Chinois : fête des mendiants, fête des jeunes filles, fête de Shuangxing (deux étoiles) et la Saint-Valentin de Chine.

    La Qixi (soirée du septième jour du septième mois lunaire) est aussi appelée la rencontre des étoiles puisque, d’après la légende, le Bouvier et la Tisserande (Véga) se rencontrent à ce moment-là. Dans son poème « Qixi », Wang Bo a mis sur le même plan la rencontre des étoiles et la mi-automne, les considérant comme les deux meilleurs moments de l’année pour les liens d’affection et d’amour. C’est aussi la raison pour laquelle on appelle le jour du mariage la « rencontre des étoiles ».

    Le Bouvier et la Tisserande est un condensé de la misère des paysans et de la petite économie paysanne dans l’ancienne Chine. On s’extasie sur un pont construit par des pies dans un monde mystérieux. Le charme éternel des contes permettait aux paysans de rêver à un pays où ils seraient autosuffisants. Tous les membres de la famille vivraient ensemble en passant une vie heureuse.


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